« La pilule contraceptive pour les hommes bientôt disponible », « Contraception : les hommes s’y mettent enfin ! »… Cela fait plus de 40 ans que les annonces de la mise sur le marché de la pilule pour hommes se multiplient. Le constat reste sans appel : En 2022, la contraception, c’est encore et toujours une affaire de femmes !
Alors qu’en France la décision d’étendre la gratuité de la pilule contraceptive pour les jeunes femmes de 18 à 25 ans a été saluée, le débat sur la contraception masculine s’insinue lui, plus lentement dans les esprits. Des solutions existent pourtant.
La méthode thermique a le vent en poupe
Si la pilule masculine n’a toujours pas vu le jour, une méthode contraceptive hormonale sous forme d’injection intramusculaire de testostérone hebdomadaire est reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 1990. L’adhésion est faible car la méthode non remboursée est coûteuse (10 euros par injection) et peu accessible.
La piqûre représente un obstacle pour de nombreux hommes, et les effets secondaires (prise de poids, problèmes cutanés) sont venus ralentir les expérimentations en la matière. Ces effets, notamment la baisse de libido ont été particulièrement questionnés, alors même qu’ils n’avaient pas constitué un obstacle pour le développement de la contraception féminine.
On comprend mieux l’engouement récent pour la méthode thermique. Elle consiste à remonter les testicules à la base de la verge, à l’entrée des canaux inguinaux, pour augmenter leur température, freiner naturellement et radicalement la production de spermatozoïdes. Il s’agit d’une méthode naturelle qui ne fait pas appel aux hormones. « On est sur quelque chose de purement mécanique », explique Gersende Marceau, sage-femme libérale et militante bénévole au planning familial de Montpellier. Le contact avec le corps fait passer la température des testicules de 35 à 37 degrés.
La méthode thermique a été pour la première fois développée dans les années 80 par Roger Mieusset, médecin au CHU de Toulouse et membre d’Ardecom, association sur la contraception masculine. Il fait tester à 25 hommes un dispositif de « slip chauffant » mais le projet stagne rapidement faute de soutien financier.
Sa version moderne, l’Andro-switch commercialisé en 2019 se présente sous la forme d’un anneau en silicone entourant le pénis et le scrotum et devant être porté 15 heures par jour. L’Andro-switch créé par l’infirmier Maxime Labrit repose sur la même méthode thermique que le slip chauffant. Une fois le processus enclenché, il faut trois mois pour que la méthode contraceptive soit efficace, un spermogramme est réalisé afin de s’assurer que la production de spermatozoïdes se situe en dessous du seuil de fécondité. D’après Maxime, environ 5000 hommes utiliseraient aujourd’hui l’anneau Andro-switch comme moyen de contraception.
La contraception masculine, un tabou à briser
Reste la vasectomie, moyen de contraception le plus connu du grand public pour les hommes. Un texte de loi autorise la vasectomie depuis 2001 pour toute personne majeure sous réserve d’un délai de réflexion de quatre mois. Depuis, le nombre de vasectomies a été multiplié par dix mais cette méthode fait face à de nombreuses idées reçues et blocages. Elle est considérée comme non réversible car une opération restauratrice fonctionne uniquement dans 70% des cas.
Alors que la vasectomie est très répandue chez certains de nos voisins européens comme l’Espagne ou le Royaume Uni où le taux d’hommes vasectomisés atteint 20%, la France fait pâle figure avec un taux qui se porte à moins de 1%. Gersende Marceau, sage-femme libérale soutient qu’en France, la méthode reste confidentielle : « Il y a tout un tabou autour de la fécondité et de la natalité.
Historiquement on ne propose que très peu la vasectomie qui peine à entrer dans les mœurs comme moyen de contraception ». A titre de comparaison, la ligature des trompes, méthode de stérilisation féminine à visée contraceptive a fait l’objet de 360 000 opérations remboursées contre 60 000 vasectomies. Les médecins sont également réticents à pratiquer cette opération, en particulier sur les hommes de moins de 40 ans. L’opération engendre de plus, de nombreux dépassements d’honoraires.
La contraception masculine, un tabou ? Sans aucun doute.
« Dans notre société patriarcale et très nataliste, toucher à la contraception, au corps de l’homme est encore très problématique. Le spectre et la crainte de la stérilité ne sont jamais bien loin », poursuit Gersende. La politique nataliste en France a connu son apogée avec la loi de 1920 interdisant la publicité et la vente des moyens de contraception.
Si la loi Neuwirth en 1967 vient libéraliser la contraception et la loi Simone Veil légaliser l’interruption volontaire de grossesse, des stigmates de cette politique se font toujours sentir. « De plus, il faudrait que la demande de se saisir des moyens de contraception émane des hommes pour faire bouger le corps médical », précise Gersende. Or, le poids des traditions fait encore largement peser la charge contraceptive sur la femme.
Les femmes sont sensibilisées très jeunes aux risques de grossesses non désirés et à la prise de moyens de contraception, tandis que l’accent est plutôt mis sur les maladies sexuellement transmissibles pour les hommes. La contraception vient aussi se heurter à de nombreuses idées reçues. Certains hommes la perçoivent comme une expérience castratrice, ils craignent de perdre leur virilité. « La contraception dans l’imaginaire collectif c’est un « truc de filles ». Je crois au contraire que c’est l’occasion de reprendre une quête pour plus d’égalité, avec une masculinité plus douce ».
Informer et sensibiliser
Relativement méconnus du grand public, il y a tout un enjeu de sensibilisation et de démocratisation autour des moyens de contraception masculins. A Paris, à Grenoble et à Montpellier, des consultations sur la contraception masculine ont lieu plusieurs fois par an.
Gersende Marceau, bénévole au planning familial de Montpellier organise des sessions d’informations sur la contraception masculine tous les deux mois. Les consultations ont été mises en place en juillet 2020, et depuis la demande a explosé : « Nous sommes passés d’une ou deux demandes à une trentaine par an. Le mouvement MeToo et la vague de féminisme qui en découle y sont pour beaucoup dans le travail de déconstruction, du questionnement de la sexualité. »
Aujourd’hui de plus en plus de femmes sont fatiguées de devoir porter le poids de la contraception à elles seules. En 2012, la polémique autour des pilules contraceptives de la 3e et 4e génération a entraîné une réticence vis-à-vis de la contraception orale chez de nombreuses femmes. De leur côté, les hommes s’investissent plus dans leur paternité, se questionnent sur leur responsabilité. Le confinement est venu accélérer ce phénomène.
Les sessions de formation sont composées d’un premier temps collectif. Gersende expose toutes les méthodes de contraceptions existantes, la façon dont elles fonctionnent et leurs effets secondaires éventuels. Les participants partagent leurs attentes, leurs questionnements, leurs doutes. Certains hommes apportent leur témoignage et leur vécu sur la contraception thermique. Une consultation individuelle est ensuite réalisée pour vérifier les antécédents médicaux, cliniques, prescrire les bilans nécessaires à la prise de contraception.
Consultations, interventions de sensibilisation, la contraception masculine fait aussi depuis peu sa grande entrée sur la scène médiatique. En octobre dernier, le roman graphique les Contraceptés, de Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin se révèle très pédagogique et a contribué à libérer la parole autour de la contraception masculine. Les journalistes qui ont mené l’enquête, révèlent une pratique en augmentation, des jeunes générations plus sensibilisées mais aussi un manque d’informations et des méthodes qui peinent à obtenir la reconnaissance de la médecine.
Vers une certification des méthodes de contraception masculine ?
Le « slip remonte testicules » et l’Andro-switch (autrement dit la contraception thermique) ne sont pas reconnus par l’Organisation mondiale de la santé ni par le ministère de la santé. Faute de financements et d’études, ces slips ne peuvent être homologués et commercialisés. La seule possibilité est donc de se les fabriquer soi-même de façon « artisanale ».
La commercialisation de l’anneau Andro-switch avait rendu plus accessible et facile la contraception masculine thermique. Mais en décembre dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a exigé sa suspension de la vente, excepté dans le cadre d’un essai clinique autorisé. Elle déclare « qu’en l’absence de données cliniques démontrant ses performances et sa sécurité d’emploi, rien ne permet d’écarter la possibilité que son utilisation puisse conduire à une grossesse non désirée ou être responsable d’éventuelles atteintes à la santé des utilisateurs ».
« Les autorités sanitaires ont bloqué la commercialisation de l’Andro-switch et réclament plus d’études, ce qui est compréhensible, mais ils ne proposent aucun financement pour accompagner le déploiement de la contraception masculine », se révolte Gersende. Le manque de recherches cliniques est bien évidemment un élément bloquant à son développement.
A l’heure actuelle, les essais en matière de contraception masculine (médicamenteuse) sont seulement en phase un ou deux. Les laboratoires pharmaceutiques n’investissent pas, car pour eux le marché est inexistant faute de demande, et les autorités publiques continuent de se focaliser et de s’adresser aux femmes en matière de contraception. Résultat, le corps médical est très peu informé et souvent inapte à conseiller ou suivre les hommes qui souhaitent entamer une méthode de contraception.
La société serait-elle plus avancée que le monde scientifique sur ces méthodes « modernes » ? Ce qui est sûr c’est que c’est la demande qui émane de cette dernière qui fera avancer les choses. La contraception doit d’abord faire son chemin auprès du grand public pour convaincre les autorités sanitaires et les laboratoires de se saisir du sujet. Ce phénomène est déjà légèrement perceptible : dans le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale en octobre dernier, les députés ont plaidé pour l’élaboration d’un rapport sur les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir et développer la contraception masculine.
Aux États-Unis, le mois dernier, des chercheurs américains ont présenté une nouvelle pilule contraceptive masculine non hormonale, qui serait sans effets secondaires et efficace à 99%. Un pas timide mais prometteur vers le partage de la charge contraceptive.
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