Les candidats de la communauté LGBTQ+ se distinguent aux élections américaines … et dans le monde entier !
par Manon Philippe
9 décembre 2020

Novembre 2020. En pleine tempête politique, les Etats Unis peinent à se défaire du marasme et des divisions dans lesquelles les ont plongés les dernières élections présidentielles. Alors que tous les espoirs se tournent vers le récent élu Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris, l’élection au sénat de Sarah Mc Bride, jeune démocrate transgenre passerait presque inaperçue. C’est pourtant une grande première dans l’histoire du pays nord-américain. Aussi surprenant que cela puisse paraître, jamais encore une personne transgenre n’avait été élue à un poste aussi élevé dans « le pays de la liberté ».

 

La Victoire écrasante de Sarah Mc Bride, première femme américaine transgenre élue au sénat

C’est à tout juste 30 ans que Sarah Mc Bride assure sa place au Sénat dans l’Etat du Delaware remportant non moins de 86% des voix face à son adversaire républicain.

Militante et incarnation de la lutte contre les discriminations envers la communauté LGBTQ+, la jeune femme a commencé sa carrière politique à la Maison Blanche sous la présidence de Barack Obama où elle était alors en charge des problématiques LGBTQ+. A l’époque déjà, elle était la première femme transgenre à travailler dans ce lieu symbolique. En 2013, elle est parvenue à faire adopter une loi protégeant les transgenres dans plusieurs sphères notamment l’emploi, le logement et la vie publique.

Jeune, femme et transgenre, devant faire face à tous les obstacles que cela comporte, Sarah Mc Bride parvient à bousculer les codes et à se faire une place de choix en politique.

Sa victoire a été saluée par de nombreuses associations, et a fait naitre un vent d’espoir dans sa communauté : Après tant d’années de luttes, serait-ce enfin la fin du plafond de verre ? La représentation des LGBTQ+ en politique relève-t-elle enfin de la réalité ?

 

La représentation LGBTQ+ en politique, une lutte de longue haleine sur le continent américain

Bien sûr, ce n’est pas la première fois que les Etats Unis élisent des politiciens LGBTQ+, figures historiques dans la lutte pour les droits de ces derniers.

Rappelons que tout commença dans les années 70, où Harvey Milk fut élu conseiller municipal de la ville de San Francisco devenant ainsi le premier homme politique américain à assumer ouvertement son homosexualité. Au cours de sa carrière, il s’opposa farouchement à une loi ayant pour but d’empêcher les enseignants homosexuels d’exercer leur métier. Malgré son court mandat (il meurt assassiné moins d’un an après son élection), il reste l’une des icônes les plus importantes de la cause LGBTQ+, à tel point qu’un biopic réalisé par Gus Van Sant lui est consacré en 2008, raflant sur son passage plusieurs oscars.

 

Le plafond de verre est-il réellement en train de se briser ?

50 ans plus tard, l’espoir persiste, s’obstine et grandit plus que jamais. En 2020, d’après la Victory Institute, 843 représentants de la communauté LGBTQ+ sont élus aux Etats Unis et impliqués dans des fonctions politiques, un chiffre en augmentation de 21% par rapport à l’année 2019 et de 88% par rapport à l’année 2017 ! En un an, l’élection de personnes bisexuelles a connu une hausse de 53%, de 71% chez les queers et de 40% chez les transgenres femmes.

« En matière de représentativité politique, la communauté LGBTQ+ semble atteindre des records historiques » se félicite la directrice du Victory Institute. Cette association, fondée en 1993 accompagne et prépare les personnes LGBTQ+ à atteindre et occuper des fonctions politiques au sein du gouvernement américain.

Un constat semble unanime : les élections se diversifient continuellement depuis plusieurs années, 2018 et 2019 ont été des années charnières dans l’élection de personnes LGBTQ+ aux Etats Unis donnant lieu à la première « Rainbow Wave ».

 

En 2009, l’islandaise Johanna Siguroardottir est devenue la première personne ouvertement LGBTQ+ à être élue Premier ministre dans le monde entier

 

L’année 2020 ne semble pas en reste. Sarah McBride ne sera pas la seule à bousculer la scène politique : Ritchie Torres et Mondaire Jones, tous deux élus le 3 novembre, seront les premiers hommes noirs homosexuels à siéger au Congrès américain. Ritchie Torres, premier homosexuel élu dans le Bronx a été remarqué par l’ouverture du premier refuge pour les jeunes LGBTQ+ sans-abri.

Des progrès oui, mais un combat loin d’être gagné et un résultat loin d’atteindre l’équité en termes de représentation : alors que la communauté LGBTQ+ rassemble 4,5% de la population américaine, leur représentation dans la sphère politique s’élève à seulement 0,17% . La communauté LGBTQ+ demeure largement sous représentée et ce, à chaque échelon du gouvernement américain.

 

Un combat d’inclusion politique qui progresse au niveau mondial

La communauté LGBTQ+ a pourtant raison d’être optimiste. A une échelle plus globale, la liste des pays dirigés par des personnes LGBTQ+ ne cesse de grandir, lentement mais sûrement.

En 2009, l’islandaise Johanna Siguroardottir est devenue la première personne ouvertement LGBTQ+ à être élue Premier ministre dans le monde entier. Elle est suivie quelques années plus tard en 2011, par le premier ministre belge Elio Di Rupo, en 2013 par le premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, puis en 2017 par Ana Brnabic en Serbie.

En Israël, le parlement actuel recense un nombre historique de députés assumant leur homosexualité, au total six sur cent vingt parlementaires (5%).

 

La sociologue Sylvie Tissot l’affirme, la politique reste un champ où la communauté LGBTQ+ a longtemps « été invisibilisée »

 

Plus récemment, Petra de Sutter, élue en octobre dernier en Belgique, est devenue la première femme transgenre à accéder au poste de ministre en Europe. Si cela peut paraître relativement anodin en Belgique, pays classé deuxième en matière de droits et libertés des LGBTQ+, l’élection d’Ana Brnabic en Serbie, ou encore de Léo Varadkar en Irlande sont à mettre en évidence dans des pays historiquement très conservateurs.

Il est important de souligner qu’il reste complexe d’avoir une idée précise de la représentation des LGBTQ+ en politique. D’après une étude menée par l’OCDE en 2019, seuls 15 pays ont déjà inclus une question sur l’orientation sexuelle dans le cadre d’une enquête nationale et c’est aux Etats Unis que cette démarche est la plus fréquente. En l’absence de recensement, difficile d’évaluer et de vérifier si leur présence est équitable dans la sphère politique…

 

Qu’en est-il de la représentation LGBTQ+ en France ?

De même qu’aux Etats Unis, c’est dès la fin des années 70 qu’un politicien LGBT, Patrick Cardon, a fait office de précurseur en se présentant à plusieurs élections législatives plaçant pour la première fois l’homosexualité comme une problématique politique à part entière.

Pourtant, le bilan français semble aujourd’hui plus mitigé que celui de certains de ses confrères européens.

Depuis les dernières élections législatives en 2017, la communauté LGBTQ+ ne représente que 0,8% des élus de l’assemblée. Un chiffre qui fait pâle figure par rapport à son voisin anglais qui avait à l’époque élu 45 députés LGBTQ+ à la Chambre des communes.

La sociologue Sylvie Tissot l’affirme, la politique reste un champ où la communauté LGBTQ+ a longtemps « été invisibilisée ». Dans son article explorant les visages de l’homosexualité dans le monde politique français, le chercheur Jean Yves Le Talec constate que c’est seulement à la fin des années 1990 que la visibilité homosexuelle en politique a pu s’accomplir et déplore qu’actuellement le politicien LGBTQ+ « type » demeure largement « un homme se trouvant être homosexuel ».

L’actualité récente tend à démentir cette conclusion : en mai dernier, la première politicienne transgenre française, Marie Cau, est élue en tant que maire de la ville de Tilloy-lez-Marchiennes dans le Hauts-de-France. Un petit pas vers plus d’équité pour la communauté LGBTQ+ en France qui envoie un message démocratique fort.

 


A travers ces Stories, Azickia vise à mettre en avant des initiatives à impact social, en France et dans le monde, et cela sans adhérer pour autant à toutes les opinions et actions mises en place par celles-ci. Il est et restera dans l’ADN d’Azickia de lutter contre toute forme de discrimination et de promouvoir l’égalité pour tous.

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