Le café, un refuge doré aux milles aventures
par Louise Di Betta
7 janvier 2025

Le café attise les âmes. Au fil des siècles, il a été désiré, volé, convoité. Balzac en a fait sa boisson de prédilection. Parfois il en buvait jusqu’à 50 par jour. Bach a écrit la « Cantate au Café » :  l’histoire d’une jeune fille, que son père veut contraindre à renoncer à sa boisson préférée sous peine de ne jamais se marier. Il est chanté par Gainsbourg avec « Couleur Café ». 

L’histoire du café est une histoire d’intrigues, de passion et de transformation mondiale. C’est un art autant dans sa conception que dans l’univers qu’il crée autour de lui. Des lieux à son effigie ont pris place dans nos villes : les coffee shop. Ces lieux où le café est dieu, où l’odeur nous enivre.  

J’ai découvert les cafés quand je vivais à Montréal, il y a un peu moins de 10 ans. De vrais cocons où je pouvais étudier, lire ou papoter avec des ami·es. Je m’y sentais bien. En rentrant en France, je suis partie en quête des cafés de ce genre-là. Où que j’allais, je continuais à suivre cette douce odeur rassurante. Le café est plus qu’une boisson. Il a une histoire riche, et crée, autour de lui, tout un monde.

Café et anecdotes

Le café remonte à une drôle d’observation au VIIIème siècle. Un jeune berger gardait ses chèvres sur les hauts plateaux du Yémen. Un jour, il fut surpris par leur comportement. Elles gambadaient, sautaient, dansaient presque, la scène était inhabituelle. Elles venaient de manger les baies rouges d’un arbuste. Le berger se rendit au couvent non loin de là. Le moine eut l’idée de faire bouillir les noyaux de ces fruits. Le résultat fut le premier café, appelé à l’époque « kawah » ce qui signifie force, élan et vitalité. 

C’est un marchand de Venise, en Italie, qui a introduit pour la première fois cette boisson turque en Europe en 1615. Une fois installée, cette nouvelle boisson a fait l’objet de vives critiques de la part de l’Église catholique. Nombreux étaient celleux qui estimaient que le pape devait interdire le café, le qualifiant de boisson du diable. Le Pape, de son côté, avait déjà succombé au charme de cette boisson et la présentait comme nécessaire pour tout bon chrétien.

En 1720, un capitaine d’infanterie, Gabriel de Clieu, a supplié le Roi de France de lui confier un des précieux caféiers pour le planter en Martinique. Le roi n’a pas accepté. Le capitaine, malgré ce refus, a finit par s’infiltrer dans le jardin pour en voler un plant. Il ne fut pas au bout de ses peines : la traversée fut mouvementée. Un marin chercha à détruire l’arbre. Des pirates les attaquèrent au large de Madère. Une terrible tempête aux abords de la Martinique les obligèrent à jeter beaucoup de choses par-dessus bord. Et enfin, s’ensuivit une chaleur accablante où Gabriel partagea la moitié de sa ration d’eau avec le caféier. A terre, il le planta sans tarder. Cet arbuste fut à l’origine d’une grande descendance… !

En 1727, les Portugais rêvaient de planter du café au Brésil, mais les Français de Guyane, les seuls à détenir les précieuses graines sur le continent, refusèrent de leur en vendre. Leurs plantations étaient mieux gardées que des forteresses. C’était sans compter sur la ruse d’un colonel portugais, Francisco Melo Palheta, que les brésiliens surnomment aujourd’hui le « James Bond du café » !

Prétextant un différend frontalier à régler, il se fit inviter chez le Gouverneur de Guyane et fit discrètement la cour à sa femme, lui avouant sa folle envie d’obtenir quelques grains de café. Lors du dîner d’adieu, l’épouse du Gouverneur lui offrit un magnifique bouquet de fleurs tropicales et de plants de caféier ! De ce Moment Café complice naîtra le plus grand empire du café au monde.

Le café a joué un rôle important dans le façonnement des sociétés. Au Moyen-Orient, il est devenu partie intégrante des traditions d’hospitalité. En Europe, les cafés sont devenus des centres de discussions intellectuelles et politiques, influençant des mouvements comme celui des Lumières.

Crédit : Louise Di Betta

Les coffee shop, lieux de rencontres

Les « cafés de spécialité » ou « coffee shops » sont apparus dans les années 70 aux Etats-Unis. Ce sont des lieux où des cafés d’exception et de qualité sont servis. Un café de spécialité répond à différents critères sur son goût, son grain ou encore sa torréfaction. Il doit être traçable depuis la plantation à la tasse, c’est-à-dire que les client·es doivent savoir l’origine et le producteur, le niveau d’altitude de la zone de culture, la récolte, la variété et le traitement. 

Aujourd’hui, à Paris, il existe plus de 1 420 coffee shops. La qualité des produits servis est bien sûr un des arguments attrayants pour les client·es. Mathilde, une amie, me le confirme « j’y vais pour des boissons gourmandes et de qualité ». Ainsi qu’Adèle, voisine de mon village, qui s’y rend pour « boire du bon café gentiment sourcé et grignoter des gâteaux ». Cette qualité, Jacopo et Michelangelo, fondateurs d’Ammazza Café à Vérone en Italie, voulaient la rendre disponible à n’importe qui. Je suis allée à leur rencontre pour comprendre un peu mieux leur stratégie et l’univers derrière ce lieu agréable.  Jacopo me raconte : « il y a deux ans, il n’y avait pas de cafés de spécialité à Vérone. Personne n’en avait entendu parler. Notre but, dans un sens, est de garder nos prix bas, pour convaincre un maximum de gens. En Italie, le café ça se boit vite, ça ne se déguste pas. Nous voulions donner une autre approche au café. Nous voulions que notre café soit consommé plutôt qu’un autre ». Michelangelo surenchérit : « ce qui peut paraître comme un compromis est finalement un moyen d’avoir plus de monde qui essaie l’expérience que nous proposons. Parce que la plupart des gens ne connaissent pas les coffee shop, et ils ne le sauront jamais s’iels ne sont pas attiré·es d’une manière ou d’une autre ».

Louise Di Betta – Michelangelo en préparation d’un café à Ammazza Café

Outre cet aspect central du café qualitatif, le coffee shop représente bien plus que cela. C’est à la fois un lieu de lien social tout en étant aussi un safe place où chacun·e peut se sentir libre. Adèle me raconte que s’il y avait un coffee shop proche de chez elle, elle aimerait y « retrouver des amies, que cela devienne un QG, y faire des jeux et dessiner ». En effet, le café devient une excuse pour se retrouver, partager, échanger. Quant à Laurie, fervente cliente des coffee shop, elle me confie : « je recherche un coin cosy où me réfugier, faire une pause du monde ». Cette idée de s’extrader du monde résonne aussi chez mon compagnon Antonin qui recherche « une ambiance chaleureuse pour pouvoir lire, un lieu où l’on se sent comme dans une bulle de savon ». Dans un coffee shop, on peut se sentir si bien qu’on est plongé dans un autre univers. 

Michelangelo m’explique leur volonté derrière Ammazza : « nous voulions que cet endroit soit plus qu’un simple café. Et pour cela, on a travaillé à créer une communauté. Les gens peuvent venir et rester autant qu’iels veulent et faire ce qu’iels veulent ». Jacopo continue : « nous voulions que les personnes se sentent chez elles. Un endroit où les personnes peuvent se détendre et être elles-mêmes, où personne ne vous dévisage si vous restez longtemps à faire votre propre truc. Si vous venez me demander quelque chose au comptoir, je serai professionnel. Ce qui arrive de l’autre côté n’est pas de mon ressort. Comment les gens l’organisent, nous n’avons pas besoin de garder un œil dessus. Ce qui fait un café, ce n’est pas ce que vous faites, c’est ce que les gens font quand iels sont là. Et vous ne pouvez pas contrôler cela. Vous pouvez mettre de la musique, préparer l’espace, être détendu, mais au bout du compte, ce sont les gens qui viennent ici qui comptent ». Cette communauté, ils ont réussi à la créer. Ils y organisent des événements musicaux et culturels régulièrement ainsi que des dégustations de café. Un club de course est associé au café où il y a un entraînement tous les samedis matin en finissant par une tasse de café. Des cours de yoga sont aussi proposés tous les lundis soirs. « Des gens qui ne se connaissaient pas avant, se connaissent maintenant parce qu’ils viennent souvent » me détaille Jacopo.

Louise Di Betta – Dégustation de café à Ammazza Café en novembre 2024

Le café crée du lien, c’est certain. Mais peut-être n’est-ce qu’une excuse pour être ensemble ? Dans une société où tout va toujours plus vite, où nous vivons derrière un écran, le coffee shop apporte une dose de chaleur, de douceur et de bien-être nécessaire à notre santé mentale. Un lieu où on peut se retrouver, partager et prendre du temps.

Les substituts au café

Dans cette idée de bien-être, serait-il possible de rendre le café plus responsable pour diminuer son impact sur la planète ? La culture du café n’est pas exempte d’impact écologique. En effet, elle nécessite l’utilisation de pesticides tout comme n’importe quelle production. Ce qui peut entraîner des pollutions des sols et de l’eau, et impacter les écosystèmes. Par ailleurs, la production du café nécessite une quantité importante d’eau, que ce soit pour l’irrigation des plantations ou pour le traitement des grains de café. Dans les régions où l’eau est rare, elle peut entraîner des problèmes de stress hydrique. De plus, le traitement des grains de café peut générer des eaux usées contenant des résidus de caféine et d’autres substances potentiellement nocives. Ces déchets doivent être correctement traités pour éviter la pollution des cours d’eau. Et enfin, la production du café contribue aux émissions de gaz à effet de serre, principalement par le biais de la déforestation associée à la conversion des terres pour les plantations de café. Les procédés de séchage, de torréfaction et de transport du café peuvent également générer des émissions de CO2.  

Néanmoins, des solutions existent pour réduire l’impact environnemental du café. Il y a des méthodes de culture durable de café telle que l’agriculture durable ou l’agroforesterie (cultiver des arbres et des cultures ensemble sur la même parcelle. Dans le cas du café, elle signifie cultiver des caféiers sous l’ombre d’arbres plus grands) qui n’utilisent peu ou pas de pesticides et favorisent la biodiversité. Concernant l’eau, il est nécessaire de traiter correctement ses eaux pour éviter la pollution. Et enfin, les émissions peuvent être réduites grâce à des pratiques de production durables, telles que la reforestation, l’utilisation d’énergies renouvelables et l’optimisation des procédés de traitement. Les certifications jouent également un rôle important en établissant des normes et en incitant les producteurs à adopter des pratiques responsables.

En parallèle, des alternatives au café s’immiscent petit à petit dans les coffee shop. Des influenceuses comme Mathilde Caillard (@mcdansepourleclimat) ou Camille Chaudron (@girl_go_green) mettent en avant les alternatives telles que La chicorée, les boissons à l’orge ou encore le yannoh. 

Concernant la chicorée, c’est une plante qui pousse facilement et nécessite peu de ressources, ce qui la rend assez écologique. Elle peut être cultivée localement, réduisant ainsi l’empreinte carbone liée à son transport. Le café d’orge est aussi une option écologique car il nécessite moins d’eau et de pesticides comparé au café traditionnel. Cultivable localement, il contribue aussi à maintenir la santé des sols en participant aux rotations de cultures, ce qui prévient l’épuisement des nutriments et réduit la nécessité de laisser les champs en jachère. De plus, les résidus de l’orge peuvent être utilisés comme fourrage pour les animaux, optimisant ainsi l’utilisation des ressources agricoles. Il y a aussi l’épeautre, culture rustique et locale, qui nécessite peu de pesticides et qui peut pousser dans des conditions difficiles, ce qui réduit son impact environnemental.

Seriez-vous prêt à rendre l’expérience des coffee shops plus créative en testant, vous aussi, des alternatives plus écologiques ?

Plus d’articles sur la même thématique