Le choix de la contraception naturelle
par Caroline Circlaeys
9 janvier 2024

Depuis quelques années, une méfiance envers les solutions de contraception hormonale grandit et attise de plus en plus la curiosité des femmes pour les méthodes naturelles. Ce phénomène perçu par certains comme un drôle de retour en arrière au temps des techniques de grand-mère peu fiables, s’inscrit pourtant dans une démarche d’empowerment et de maîtrise de son propre corps passant par la compréhension de son cycle.

Alix, experte en santé menstruelle et fondatrice de Magic Ovaries, confirme qu’elle observe un manque crucial d’information des femmes sur le fonctionnement de leurs propres règles. Forte d’une communauté de plus de 112 000 abonnés sur les réseaux sociaux notamment avec sa chaîne Tik Tok et YouTube sur laquelle elle aborde sa spécialité, la symptothermie, une méthode contraceptive naturelle. 

À travers ses contenus et ses échanges avec sa communauté au sujet de la santé des femmes, elle s’est rendue compte que des idées reçues concernant le cycle persistaient : « Le cycle de 28 jours est un mythe, un cycle normal dure entre 23 et 35 jours. La fameuse ovulation au quatorzième jour est également un mythe. On ovule entre douze et seize jours avant les prochaines règles. »

De nombreuses femmes la sollicitent fréquemment pensant avoir un problème, elle les rassure en s’appuyant sur des chiffres : « Il y a 58 % des femmes qui observent une différence de huit jours entre le cycle le plus court et le cycle le plus long sur une année, ainsi avoir un cycle qui varie est normal ». Il s’agit d’une étude du groupe de travail NFP ayant analysé les 35 000 cycles de 1 600 femmes.

En France, la majorité des femmes entre 15 et 49 ans ont recours à la pilule comme méthode de contraception, suivi par le stérilet puis le préservatif. Rappelons le combat politique et féministe pour légaliser et démocratiser la pilule pour toutes.

Créée en 1956 par le docteur américain Grégory Pincus, il aura fallu attendre que Lucien Neuwirth, surnommé « Lulu la pilule » par la presse, parvienne à faire passer la loi portant son nom « Neuwirth » en 1967, autorisant enfin la prescription libre de la pilule contraceptive. C’est une victoire émancipatrice dans la vie des femmes à l’époque qui leur permet de reprendre le contrôle de leur corps et de leur fertilité. 

Simone Veil poursuit ce combat. Ainsi, en 1974, la pilule contraceptive est désormais remboursée par la Sécurité sociale, permettant aux femmes de tous les niveaux sociaux d’en bénéficier. Depuis, d’autres méthodes hormonales se sont développées comme le stérilet, le patch, l’implant ou encore l’anneau. « En 2016, 71,8 % des femmes ont recours à une méthode médicalisée pour assurer leur contraception. »

En 2013, survient « la crise de la pilule » alertant sur les risques de thrombose veineuse liés aux contraceptifs de troisième et quatrième génération. Une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament et produits de santé (ANSM) précise que « la vente des contraceptifs oraux (progestatifs seuls ou combinés à un estrogène) est en baisse régulière depuis 10 ans (environ -12 %) ».

D’après Santé Publique France, entre 2010 et 2016, on constatait une baisse du recours à la pilule passant de 40,8 % à 33,2 % notamment chez les femmes entre 20 et 29 ans. On manque de statistiques à ce jour qui permettraient de dresser un état des lieux des pratiques et perceptions des méthodes contraceptives en France. 

En attendant, le livre J’arrête la pilule, publié en 2017 par la journaliste Debusquat, fait couler beaucoup d’encre et relance le débat sur la potentielle pollution hormonale de cette méthode qui perd en popularité.  Les femmes peu rassurées par ces discours se tournent alors vers des alternatives qui leur paraissent plus saines. Mais que valent-elles en termes d’efficacité ?

Il y a la technique du retrait qui est toutefois loin d’être fiable. Cette méthode demande non seulement une maîtrise de soi et reste risquée, car l’homme peut sécréter sans s’en rendre compte un liquide pré-séminal, contenant des spermatozoïdes qui pourront féconder un ovule.

La méthode Billings datant des années soixante, proposée par les docteurs australiens John et Evelyn Billings consiste à se concentrer sur l’observation de la glaire cervicale, considérée comme un indicateur de fertilité puisque son aspect et sa texture évoluent au cours du cycle et notamment au moment de l’ovulation.

Une troisième option, la méthode des températures, repose sur la prise de température le premier jour des règles et chaque jour tout au long du cycle. L’observation d’une différence thermique permettra d’établir la phase d’ovulation durant laquelle il est préférable de s’abstenir.

Autre possibilité, la méthode d’Ogino-Knaus ou la méthode du calendrier. « Dans les années trente, deux gynécologues ont découvert que les règles arrivaient 12 et 16 jours après l’ovulation, brisant ainsi ce mythe de l’ovulation au quatorzième jour », explique Alix. Cette méthode consiste à observer les cycles menstruels pendant un an afin d’évaluer la phase fertile et donc de s’abstenir ou de procréer pendant ce laps de temps. 

Enfin, il y a la symptothermie qui n’est pas très connue en France. Alix, formatrice certifiée dans cette alternative naturelle, a fondé la Magic Ovaries Academy avec l’ambition de diffuser cette méthode à grande échelle : « Il y a plein d’autres méthodes d’observation du cycle qui existent, mais pas du tout les mêmes taux d’efficacité. La symptothermie est aujourd’hui la plus efficace, mais ce n’est pas la seule. »

Avant de devenir experte sur la question, Alix était une patiente qui souffrait de troubles du cycle et à qui le gynécologue ne proposait pas d’autres solutions que la pilule et les anti-inflammatoires. Après cinq années de douleurs, elle cherche désespérément un moyen de mettre fin à ce calvaire et tente la naturopathie combinée à l’observation de son cycle grâce à la symptothermie. Rapidement, en modifiant ses habitudes alimentaires, en faisant attention à son sommeil, à son hydratation, à son hygiène de vie, elle parvient à atténuer ses maux menstruels. En 3 mois, le problème est réglé. 

Elle devient alors fan de la symptothermie et décide de s’y former à l’institut Sensiplan à Cologne en Allemagne, réputé dans ce domaine. Son objectif sur le long-terme : sensibiliser le plus grand nombre à la santé menstruelle. Elle prend conscience de l’importance de transmettre ce savoir : « Autour de moi, j’avais plein de copines qui avaient des cycles douloureux ou qui avaient des contraceptions dont elles n’étaient pas forcément contentes, je souhaitais amener une solution en plus ».

« Il y a plein d’autres méthodes d’observation du cycle qui existent, mais pas du tout les mêmes taux d’efficacité. La symptothermie est aujourd’hui la plus efficace, mais ce n’est pas la seule. »

Alix, formatrice, Magic Ovaries Academy

En quoi cela consiste ? La symptothermie est une combinaison des méthodes naturelles citées précédemment. Il faut suivre la température basale, observer la position du col de l’utérus et les évolutions de la glaire cervicale.

Elle explique : « La symptothermie est basée sur des découvertes scientifiques, avec des méthodes de calcul très précises. Ce n’est pas du tout basé sur le ressenti, mais sur l’observation de biomarqueurs, des éléments qui sont mesurables et qui sont influencés par une activité hormonale précise. »

En cas de problème menstruel, cette technique de suivi de son cycle permet aussi d’ « apporter des informations de terrain aux professionnels de santé qui pourront éventuellement proposer des solutions, que ce soit le médecin généraliste, la sage-femme ou une autre personne du corps médical. »

Depuis deux ans et demi, via la Magic Ovaries Academy, Alix forme des femmes de manière individuelle ou collective. Celles qui la sollicitent n’ont pas toutes le même objectif. Certaines veulent fuir les méthodes hormonales qu’elles ne supportent pas ou plus. Elles souffrent parfois d’effets secondaires comme des migraines, une baisse de la libido ou un sentiment de dépression.

D’autres femmes optent pour la symptothermie, car elles veulent mieux comprendre leur cycle et réussir leur projet bébé.  Les femmes allaitantes souhaitent pouvoir identifier leur période d’ovulation et être plus sereines. La pilule compatible qui est proposée avec l’allaitement peut ne pas convenir et poser problème, ne laissant pas beaucoup de solutions de contraception à disposition.

Enfin, certaines désirent tout simplement pouvoir identifier les phases de leur cycle, comprendre les potentielles perturbations liées à leur quotidien. 

Selon Alix, « Quand on sait ce qui se passe, on ne subit pas : le savoir, c’est le pouvoir. Par exemple, si l’on sait que l’on est en phase prémenstruelle à la même période où l’on doit faire une super présentation au boulot, on peut essayer de le faire trois, quatre jours plus tard, pour être au meilleur de sa forme et mettre toutes les chances de son côté. On est davantage dans la pleine réussite, on peut adapter son emploi du temps et caler les choses importantes au meilleur moment ».

Magic Ovaries propose un accompagnement sur trois mois afin de suivre au moins trois cycles menstruels au cours de 4 sessions de deux heures. En fin de formation, les intéressées sont alors totalement autonomes dans la compréhension et l’interprétation de leur cycle.

Les femmes qu’elle accompagne lui disent « qu’elles se sentent mieux après… que le corps est incroyable. Elles n’avaient pas réalisé à quel point la glaire cervicale changeait ».

Elle a également lancé en octobre dernier « l’ultime Agenda Menstruel », un carnet qui permet de suivre son cycle : « Quand on pratique déjà la symptothermie ou par simple curiosité, on peut noter à quel moment l’on saigne. Qu’est-ce que l’on observe comme glaire ? Quelle perturbation pourrait venir perturber le cycle : des voyages à l’étranger, les vacances, le décalage horaire, une cure detox ? Explorer son cycle de manière autodidacte. »

Elle conseille cependant aux femmes qui souhaitent adopter cette technique en vue d’en faire un moyen de contraception de se faire accompagner par une professionnelle. « Avec la symptothermie, en utilisation typique sur le terrain, on est à 98,2 % de fiabilité contre 93 % avec la pilule. »

Des changements de mentalité s’opèrent en matière de contraception dans la société. Une volonté de comprendre pour mieux appréhender son corps.

Alix ne cache pas qu’elle aussi était perplexe en entendant parler de la symptothermie la première fois. « Moi, je voulais une méthode sûre avec des taux d’efficacité élevés parce que même sous pilule, j’étais stressée. »

La fondatrice de Magic Ovaries se heurte parfois aux critiques sur les réseaux sociaux ou aux réticences du monde médical exprimant un manque d’information sur le sujet ou la peur d’un éventuel retour en arrière. 

Cette méthode naturelle n’est pas pour tout le monde, comme l’explique Alix. Cela implique un suivi et une rigueur, toutefois, c’est une méthode qui fonctionne quand elle est respectée et appliquée. « Je rêve qu’en France, quand les gynécologues ou les sages-femmes reçoivent leurs patientes, qu’ils leur parlent du stérilet, de l’implant, de la pilule et aussi de la symptothermie. » 

Elle tient à souligner que ce n’est cependant pas le rôle du gynécologue de former sur le sujet, car il n’a pas le temps pendant une consultation. La formation dure entre 8 et 10 heures. En revanche, elle pense que le professionnel de santé pourrait proposer des alternatives naturelles : « Ça n’a pas été mon cas quand j’ai demandé quelque chose sans hormones, car je ne le supportais pas. On m’a dit :  » c’est le préservatif ou le retrait, donc ce n’est pas efficace « . Mais jamais on ne m’a proposé autre chose. »

Selon Alix, « la meilleure méthode, c’est celle qui vous correspond ». Les femmes n’ont pas toutes la même envie d’engagement personnel. « Mais c’est une méthode qui fait partie des plus efficaces et qui devrait être proposée plus largement ». Les professionnels de santé sont là pour accompagner au cas par cas.

Des changements de mentalité s’opèrent en matière de contraception dans la société. Une volonté de comprendre pour mieux appréhender son corps. Les hommes aussi ont leur rôle à jouer en accompagnant leur partenaire dans leur choix contraceptif.

Des hommes ont été présents à toutes les heures de la formation qu’Alix propose. « J’ai parfois des conjoints qui me contactent pour leur compagne qu’ils voient souffrir sans comprendre.  » Est-ce que votre méthode pourrait l’aider ? «  », confie la formatrice.

À quand d’ailleurs la contraception masculine ? Des initiatives isolées de solutions adressées aux hommes peinent à voir le jour. Ceci étant, elles ont le mérite d’exister.

Le docteur Mieusset a par exemple, inventé la technique des slips chauffants basée sur la méthode thermique. En le portant 15 heures par jour pendant trois mois, la température influe sur la spermiogenèse et fait baisser le taux de spermatozoïdes. L’Association Garçon, créée en 2019 à Toulouse, milite pour la recherche en contraception masculine et organise même des ateliers pour concevoir son propre slip chauffant.

L’empowerment des individus et le respect du choix de chacun est au cœur du débat de la contraception.


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