Hubertine Auclert, Louise Michel, Hélène Brion, Etta Palm d’Aelders… Ces noms ne vous disent rien ? Toutes ces femmes sont pourtant emblématiques de la lutte pour les droits et l’égalité homme femme et ont été actrices chacune à leur façon de grands progrès sociaux. Pour Lillah Vial, membre de la troupe théâtrale Avant l’Aube, le constat est sans appel : la méconnaissance de ces grandes figures féministes est symptomatique du fait que les femmes aient été effacées de l’histoire pendant de nombreuses années.
Bien loin du défaitisme que cette prise de conscience pourrait causer, la compagnie Avant l’Aube décide de reconstituer cet historique et de le mettre à la portée de collégiens et lycéens avec leur projet « On ne naît pas femme ». La pièce, exclusivement dédiée au secteur éducatif met en lumière avec intelligence l’évolution de la situation de la femme à travers l’histoire, et continue de questionner les enjeux actuels de stéréotypes de genre.
« On ne naît pas femme »
Avant l’Aube est une troupe de théâtre féministe à l’origine exclusivement composée de femmes. Leur premier projet « l’Âge libre » est une réinterprétation d’un extrait de « Fragments d’un discours amoureux » de Roland Barthes. Le féminisme, sujet au cœur du spectacle devient alors source d’inspiration, d’échanges et de débats entre les comédiennes de la troupe.
S’intéresser à un jeune public pour parler féminisme, voilà l’idée audacieuse de Lillah Vial, metteuse en scène du spectacle « On ne naît pas femme ». La pièce retrace l’histoire du féminisme de la révolution française jusqu’à nos jours. On y retrouve de nombreux personnages historiques d’Olympe de Gouges à Simone Veil, de Louise Michel à Simone de Beauvoir. Ces passages historiques sont entrecoupés de scènes contemporaines traitant du harcèlement au collège, d’homophobie, de stéréotypes de genre ou encore de l’orientation métier en fonction du sexe.
S’agissant d’un spectacle immersif et participatif, les élèves sont invités à monter sur scène et à prendre part à la pièce. Une quinzaine d’élèves répètent avec les comédiennes en amont de la représentation. « Le projet est conçu pour se dérouler sur une journée et pour que les élèves motivés, y compris ceux qui ne font pas de théâtre puissent participer au spectacle sans forcément apprendre un texte par cœur mais en y faisant une lecture engagée ». Huit élèves interprètent ainsi un cœur de femmes révolutionnaires, d’autres se lancent dans une mise en scène de joute verbale entre féministes et antiféministes… Chacun participe à sa façon.
Placer le féminisme au centre du débat dès le plus jeune âge
A ce travail d’interprétation, s’ajoute une ambition plus profonde : donner matière à débattre et créer une conscience féministe chez les plus jeunes. Margaux Saintilan, professeur de français au collège REP+ Gisèle Halimi à Aubervilliers a décidé de collaborer avec la Compagnie Avant l’Aube en janvier dernier pour aborder la thématique « Différence » inscrite au programme scolaire des sixièmes. Très sensibilisée à la question de l’égalité des sexes et au féminisme, son choix se porte sur « On ne naît pas femme », projet pédagogique idéal pour mieux comprendre les inégalités de genre. « Les stéréotypes genrés ont la vie dure même en 2021, et cela se ressent dans les interactions quotidiennes des élèves, entre eux et avec le personnel de l’établissement. L’objectif du projet est de prendre du recul, de remettre en perspective l’évolution de la place de la femme et de réfléchir aux enjeux actuels de ce sujet au sein de l’établissement et plus largement à l’échelle de la société. »
C’est chose faite. A l’issue de la pièce, les scènes précédemment évoquées laissent place au débat d’idées. Le débat varie bien sûr en fonction de l’âge des spectateurs, mais sont abordées le plus souvent les questions de stéréotype de genre, le harcèlement ou les violences sexistes, la sexualité, et les mouvements faisant écho à l’actualité tels que #MeToo, ou #BalanceTonPorc.
Margaux a pu constater l’implication de ses élèves qui se sont volontiers prêtés au jeu théâtral et aux discussions. « Aborder des sujets aussi sérieux sous le prisme du théâtre a permis de libérer la parole et de créer un nouvel espace d’expression, qui s’éloigne quelque peu du cadre scolaire habituel. L’expérience a été très positive. »
Lillah Vial, après plusieurs représentations dans différents collèges relève l’importance des scènes contemporaines de la pièce, qui sont celles qui parlent le plus aux jeunes, car elles les touchent de plein fouet et font partie de leur quotidien. La partie historique aborde le procès Bobigny, qui fait bien souvent l’objet de vives réactions. « La pièce de théâtre a toujours été très bien reçue même s’il y a aussi eu des réactions fortes, des scènes provoquant le rire ou l’indignation. Les débats peuvent être très différents selon le public mais ce qui est rassurant c’est que les élèves sont de plus en plus sensibilisés au féminisme. »
L’école, nouveau lieu de sensibilisation ?
Une conscience féministe naissante dès le collège ? Ce qui est sûr c’est que la nouvelle génération est plus éclairée et plus informée. Les réseaux sociaux y sont pour beaucoup dans cette évolution. Les influenceurs, Youtubeurs sont les nouvelles références, et les sujets de sexualité, de stéréotypes de genre sont largement abordés et mis en lien avec l’actualité du moment.
On sent également un réel engagement de la part des enseignants qui insistent sur ces enjeux et qui font l’effort d’intégrer les femmes à leur programme scolaire.
En matière de politique éducative, l’état semble vouloir mettre en place des dispositifs en faveur de l’égalité à l’école. Depuis la rentrée 2018, l’accent est mis sur la formation continue du personnel éducatif. Les collèges et lycées sont encouragés à désigner un référent égalité chargé de mettre en place des opérations de sensibilisation au sein de l’établissement. Ces derniers sont invités à créer du contenu pédagogique dans le cadre de journées de mobilisation, le 8 mars pour la journée internationale des droits de la femme et le 25 novembre, journée consacrée à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
D’autres pistes de réflexions sont proposées pour transmettre une culture de l’égalité. Elles impliquent la collaboration et l’intervention directe de partenaires associatifs ou institutionnels auprès des élèves. Pour Lillah Vial, il est essentiel que ces questions passent par le plus de médiums possibles : « Utiliser le théâtre a permis de décaler la position des élèves qui sont spectateurs et acteurs du projet. L’intervention d’une personne tierce, en plus de l’enseignant a encouragé les témoignages, les questions, les doutes ».
La Compagnie Avant l’Aube ne s’arrête pas là. Après s’être attaquée aux stéréotypes de genres, Lillah s’attèle actuellement à la rédaction d’une pièce centrée sur les questions écologiques et adressée aux primaires. A l’école, le débat ne fait que commencer.
A travers ces Stories, Azickia vise à mettre en avant des initiatives à impact social, en France et dans le monde, et cela sans adhérer pour autant à toutes les opinions et actions mises en place par celles-ci. Il est et restera dans l’ADN d’Azickia de lutter contre toute forme de discrimination et de promouvoir l’égalité pour tous.
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