« L’émancipation des femmes est une clé contre le réchauffement climatique »
par Thomas Fouan
17 mars 2020

Le 26 février dernier sortait dans les salles françaises le documentaire 2040, réalisé par l’australien Damon Gameau. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est sûrement grâce à son film précédent, le remarqué Sugarland (2014). Damon s’y infligeait un régime à base de nourriture et de boissons transformées pour dénoncer le recours systématique au sucre dans l’industrie agro-alimentaire et ses effets. Dans 2040, il nous offre une vision de la Terre telle qu’elle pourrait être dans 20 ans si nous déployions aujourd’hui à grande échelle toutes les solutions qui existent déjà ici et là à travers le monde. En réalisateur engagé, il présente ce film comme une alternative réaliste aux tableaux pessimistes plus répandus. Optimiste donc, pas utopique.

2040 est un « rêve basée sur les faits »

L’idée de ce film était de présenter à Velvet, sa fille de 4 ans, un futur désirable pour sa vie d’adulte. Pour ce faire, Damon part à la rencontre des personnes qui s’engagent et croient à une transition écologique à moyen terme. Entrepreneurs, ingénieurs, enseignants ou chercheurs, tous apportent leur pierre à l’édifice et aident le réalisateur à imaginer le monde de demain.

Un monde où l’énergie provient de ressources durables, comme le soleil et le vent. Où la production d’électricité est décentralisée et prise en charge par les communautés localement. Un monde dans lequel l’agriculture est raisonnée tout en alliant l’autosuffisance alimentaire et la préservation des sols. Un environnement qui laisse donc moins de place aux glissements de terrains, inondations et incendies. Un monde où la permaculture d’algues brunes permet de capter le CO2 de l’atmosphère, de ré-oxygéner les océans et de nourrir les populations. Où la mobilité repose sur des véhicules électriques, partagés et autonomes.

En bref, rien de très révolutionnaire et c’est là l’essence même de la démarche. Tout le mérite du film, c’est de faire de ce monde futur, un objectif concret et atteignable. Le documentaire excelle d’ailleurs dans la mise en scène de ces solutions techniques. A grand renfort d’imagerie de synthèse, on se projette avec Damon et Velvet dans le monde d’après la transition. Mais le réalisateur pousse plus loin sa réflexion, avec des solutions culturelles au premier rang desquels l’émancipation des femmes.

L’éducation et l’émancipation des femmes sont des solutions à long terme

Selon l’équipe du tournage et les experts interrogés, c’est l’une des solutions les plus efficaces et les moins coûteuses pour n’importe quel Etat, nation ou communauté qui souhaite engager une dynamique contre le réchauffement climatique. C’est notamment l’avis de Paul Hawken, auteur et activiste environnemental puis fondateur du Project Drawdown. Il s’agit d’un outil recensant les réponses à apporter pour inverser le changement climatique, et qui classe l’éducation des femmes en 6ème position. Si on combine cette action avec un accès libre et volontaire au planning familial, on obtient la solution avec l’impact le plus fort de la liste.

 

@The Drawdown Project

 

Assurer à toutes les femmes et les filles de la planète un accès à la scolarité et au planning familial, c’est leur garantir un meilleur niveau de vie, leur permettre de devenir plus indépendantes et de prendre une part active dans les décisions familiales. On observe alors à une échelle plus large une réduction du nombre d’enfants par famille et une amélioration de leur santé. L’impact est direct sur la croissance démographique et par effet de dominos sur la demande en termes de ressources alimentaires, d’énergie, d’immobilier, de mobilité et tous les secteurs producteurs d’émissions. Les experts du Project Drawdown estiment que nous pourrions ainsi réduire de 105 giga-tonnes les émissions en CO2, d’ici à 2050.

Il est évident que l’éducation et l’émancipation des femmes visent avant tout à rétablir l’égalité entre les genres et relèvent de droits universels. Mais dans les pays en voie de développement, elles revêtent des enjeux environnementaux, même au-delà de la question démographique

Amanda Cahill, est Docteure en anthropologie et démographie de l’Université de Queensland. Après 20 années de travail sur le terrain en Australie, en Asie et dans le Pacifique sur des problématiques de développement économique, puis 5 années à accompagner la transition énergétique au sein des communautés locales en Australie, elle abonde dans ce sens.

« On sait que si les filles poursuivent leur scolarité et qu’elles ont accès à des services de santé de qualité ainsi qu’à de bons débouchés en termes d’emploi, elles auront tendance à retarder leur première grossesse. Et on sait aussi qu’elles pourraient choisir d’avoir moins d’enfants. Au niveau collectif, on voit le taux de croissance démographique ralentir » – Extrait du film 2040.

D’après le site du film, on compte aujourd’hui plus de 263 millions d’enfants déscolarisés dans le monde, dont la moitié sont des filles. Pour des raisons économiques, culturelles ou de sécurité, 15 millions d’entre elles, en âge de fréquenter l’école primaire, ne verront jamais une salle de classe. Les mesures phares pour remédier à cette situation impliquent:

  • Rendre l’école financièrement abordable
  • Réduire la distance entre le domicile et les établissements scolaire
  • Aider les jeunes filles à mieux appréhender les questions de santé, notamment à l’approche de l’adolescence
  • Instaurer un climat propice à l’intégration et au développement des filles dans les écoles

Il est évident que l’éducation et l’émancipation des femmes visent avant tout à rétablir l’égalité entre les genres et relèvent de droits universels. Mais dans les pays en voie de développement, elles revêtent des enjeux environnementaux, même au-delà de la question démographique. Les femmes exploitantes agricoles et artisans font face à des inégalités sur le plan de la formation, de l’accès au financement et du droit à la propriété face à leurs homologues masculins. S’attaquer à ces inégalités, c’est favoriser le développement de l’appareil agricole régional, qui repose sur les petites exploitations, tout en protégeant les écosystèmes locaux. C’est également augmenter la rentabilité par mètre carré de ces terres et lutter contre la déforestation due à l’agriculture.

Chaque jour porte son lot d’innovation pour lutter contre le changement climatique. Les solutions sociales et culturelles ne sont pas les plus populaires mais elles présentent un double avantage : en parallèle de leur impact environnemental, leurs bénéfices sont directs sur le niveau et la qualité de vie des populations. Des solutions à fort impact donc, à ne pas négliger … 

 


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