Volontaire avec Enfants du Mékong au Laos : « la pauvreté n’est pas là on l’attend »
par Marie Ollivier
3 juin 2020

Pays d’Asie du Sud-Est au carrefour de différentes civilisations, le Laos fait partie des « pays les moins avancés » au monde. Avec 7 millions d’habitants, dont un tiers de moins de 14 ans, la jeunesse y représente un véritable espoir, d’où l’importance de l’éducation.

Eulalie Cady a 25 ans lorsqu’elle part au Laos en tant que volontaire Bambou (c’est ainsi que les jeunes qui partent au moins un an sont nommés) pour Enfants du Mékong. L’ONG, qui existe depuis 1958 a pour vocation première « d’aimer et secourir les enfants pauvres et souffrants en leur offrant un avenir grâce à l’instruction ». C’est d’ailleurs la philosophie « d’aimer avant d’aider » qui pousse Eulalie à s’engager à leurs côtés.

Enfants du Mékong accompagne aujourd’hui 60 000 jeunes en Asie du Sud-Est, avec une volonté affirmée dans sa charte éducative d’une formation intégrale de la personne. Leurs actions sont réparties en quatre piliers, dans une démarche globale et de long terme. L’ONG s’assure de créer un environnement propice à la scolarisation, par la construction d’écoles ou l’accès aux soins. Elle œuvre à l’accès à l’éducation grâce à un système de parrainage qui va au-delà du don financier : l’enfant engage une véritable relation par l’échange de lettres avec son parrain, et la rencontre physique a parfois lieu : « sans aucun doute l’un des moments les plus émouvants de ma mission », dit Eulalie.

Les deux autres champs d’action sont la formation de la personne dans sa globalité qui prend en compte « le corps, la tête et l’esprit », et l’insertion de ces jeunes en acteurs responsables de la société, grâce au développement d’une culture professionnelle et à des liens établis avec des entreprises locales. L’ambition est d’accompagner les enfants sur le long cours en les aidant à grandir complètement, afin qu’ils puissent s’impliquer dans la société laotienne de demain et ainsi participer au bien commun. L’association s’inscrit ainsi dans la lignée de la célèbre phrase de Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ».

Des chantiers de construction d’écoles au suivi des parrainages, les volontaires d’Enfants du Mékong travaillent à diverses actions pour accompagner les jeunes dans leur développement. A Thakhek, région centre du pays, Eulalie a le rôle de coordinatrice de programmes (de parrainages notamment) et de projets dans une quinzaine de villages auprès de plusieurs centaines d’enfants. De nombreuses missions de terrain donc, directement en lien avec la population.

Habituée à travailler dans des communautés en difficulté au Brésil, Eulalie sera malgré tout frappée par la violence avec laquelle peut retentir la pauvreté – pourtant si ordinaire au Laos – à travers le mode de vie des habitants de ces régions : des maisons peu solides et minuscules à la chasse à l’escargot ou au rat lorsque la nourriture vient à manquer… Dans la province de Khammouane qu’elle sillonne beaucoup, la plupart des gens ont une activité qui peut sembler très prosaïque parce que directement alimentaire : la pêche, la cueillette et la cuisine occupent une place considérable. Pourtant, la situation précaire dans laquelle se trouvent certaines familles ne doit pas les priver d’un accès à des soins décents, comme elle ne doit pas empêcher les enfants d’aller à l’école, ce à quoi veillent les volontaires d’Enfants du Mékong comme Eulalie.

L’agriculture, tout comme la santé et l’éducation ont récemment été remises au cœur de nos priorités au sein même de nos sociétés « développées ». Ces domaines essentiels, dont nous avions presque oublié l’importance, contribuent au fameux « indice de développement humain » théorisé par Amartya Sen en 1990, qui ne prend pas uniquement en compte le revenu monétaire pour évaluer le développement d’une société, mais également le taux d’éducation et l’espérance de vie. La santé et l’éducation sont donc des indices incontournables de la situation économique et sociale d’un pays. Les missions d’Enfants du Mékong qui permettent aux jeunes de grandir et de se former pour être de véritables moteurs de leurs sociétés prennent alors tout leur sens.

Être riche des liens familiaux et amicaux, au Laos, c’est être riche tout court. Les interdépendances sont une ressource

Dans son approche globale de formation de la personne, l’association organise des activités pour les enfants. C’est ainsi qu’Eulalie, lors d’une journée d’olympiades, observe des différences culturelles marquantes : être répartis en équipes n’est pas du tout évident pour les enfants laotiens, et elle se heurtera alors à de véritables incompréhensions. « La dimension collective est prépondérante, ils ne conçoivent pas d’être séparés en groupes pour s’affronter ».

Ce sentiment collectif, d’appartenance à un tout, invite à repenser nos propres visions du travail, de la précarité, de la pauvreté. « La pauvreté n’est pas forcément là où on l’attend » explique Eulalie.

« Dans ces villages, la pauvreté, c’est d’avoir perdu une partie de sa famille. Ou de ne pas avoir la joie de partager sa récolte avec plus pauvre que soi parce qu’on a vu les pluies détruire les champs péniblement travaillés. C’est en fait perdre en solidarité. Être riche des liens familiaux et amicaux, au Laos, c’est être riche tout court. Les interdépendances sont une ressource. »

Cette vision de la richesse résonne particulièrement au cours de la période que notre humanité traverse. S’il est un indice difficilement quantifiable dans les approches de la pauvreté et que le confinement a grandement mis en avant par le manque de liens qu’il a provoqué, c’est la solidarité. Le virus nous a mis face à notre vulnérabilité d’êtres humains et à nos interdépendances, dans un monde globalisé. Ces liens, nous les avions probablement un peu oubliés ou pas assez considérés dans nos sociétés privilégiées.

Nous avons plus que jamais pris conscience de notre chance de vivre dans un pays « riche », mais nous nous sommes aussi aperçus que nos sociétés étaient relativement pauvres en solidarité. Cette solidarité s’est (re)découverte au sein du voisinage, au cœur même des grandes villes anonymes par des actes d’entraide qui sembleraient évidents au quotidien dans les villages laotiens, mais dont nous nous sommes éloignés, occupés à nos vies individuelles, noyés dans le superflu.

Nous pourrions alors nous inspirer de pays comme le Laos, de ces communautés dites « pauvres », qu’Eulalie a côtoyées. Nous sortir de la perception que l’on a de la pauvreté, biaisée par notre œil occidental. Nous (ré)éduquer à une vision plus simple de la vie et de nos interdépendances nous rapproche certainement de ce qui est le plus important. Il n’est pas question de vénérer la pauvreté monétaire ou de vouloir la vivre : elle est une réalité multidimensionnelle à combattre, et particulièrement dans les pays dits « les moins avancés ».

Il est plutôt question de réfléchir à ce qui fait notre richesse en tant qu’individus et communauté humaine face aux épreuves que la vie nous réserve – personnelles ou universelles.

Et si nous considérions nos interdépendances ? Et si nous devenions un peu plus riches de solidarité ? Et si nous envisagions le collectif, comme ces enfants qui ne concevaient même pas que puissent s’affronter différentes équipes ? Et si nous transmettions ces valeurs aux adultes de demain, au Laos mais aussi en France ? Et si…

S’engager auprès d’Enfants du Mékong !

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A travers ces Stories, Azickia vise à mettre en avant des initiatives à impact social, en France et dans le monde, et cela sans adhérer pour autant à toutes les opinions et actions mises en place par celles-ci. Il est et restera dans l’ADN d’Azickia de lutter contre toute forme de discrimination et de promouvoir l’égalité pour tous.Licence Creative CommonsCe(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 France.